Le traducteur
Hermann Zotenberg (1834 ?, Prausnitz en Silésie – 1894, Paris) était un orientaliste célèbre pour sa traduction française de l’ouvrage de Bal’ami, auteur d’un abrégé du Ta’rikh de Tabari en langue persane. Il fut bibliothécaire au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale.
A noter les volumes II éd. 1869 (à partir de la p. 354) et III éd. 1871 (jusqu’à la page 219) traitent de la période prophétique
Avertissement du traducteur (Tome I, p. I-VIII) [1]
AVERTISSEMENT.
Âbou-Djafar Mo’hammed-ben-Djarir-ben-Yezîd Tabarî
est le premier musulman qui ait composé une chronique
générale. Né à Amol, dans la province de Tabaristân, en
996 de l’hégire (838-83() de J. C), il passa la plus
grande partie de sa vie à Bagdad, où il enseigna la théo
logie et la jurisprudence, et mourut dans cette ville en
31o de l’hégire (991-998 de J. (!.). Quelques années
avant sa mort, il composa sa volumineuse chronique,
qui embrasse l’histoire du monde depuis la création jus-
qu’à l’an 3o9 de l’hégire. Cet ouvrage acquit de bonne
heure une grande réputation dans le monde musulman.
Vers 359 de l’hégire (g63 de J. C), le vizir Abou- Aiî-
Mo’hammed-ben- Abd-Allah Befamî traduisit en persan ,
d’après les ordres de Mançour-ben-Nou’h, prince samanide
J dans le Khorasan, l’ouvrage de Tabarî, en supprimant
les longues citations des autorités sur lesquelles Tabarî
avait appuyé sa narration, et en choisissant une seule
des différentes relations que l’auteur arabe rapporte sur un même fait. La version persane, à son tour, se ré-
pandit rapidement dans les différentes parties de l’Orient ;
elle fut traduite plus tard en turc et même en arabe, et
remplaça peu à peu l’ouvrage original, qui, en raison de
son étendue, ne fut que rarement reproduit, et dont on
ne possède plus aujourd’hui que quelques fragments.
La Chronique de Tabarî, dans laquelle ont puisé les
principaux historiens orientaux, offre, même dans sa
forme abrégée, un grand intérêt pour l’étude de l’histoire
de l’Orient. H est certain que pour quelques périodes,
comme, par exemple, pour l’histoire des Ommayades, elle
reste la source la plus précieuse de nos connaissances ;
et même celles de ses parties qui sont dépourvues de cri-
tique et de toute valeur historique, telles que les fables
relatives à l’histoire ancienne, ne manquent point d’in-
térêt, car elles contiennent cette foule de légendes aux-
quelles tous les auteurs musulmans font des allusions
perpétuelles, et que le lecteur européen est souvent
bien embarrassé de trouver, pendant que Tabarî nous
les donne dans un cadre qui en facilite singulièrement
la recherche. Telles sont les considérations qui ont attiré
de nouveau l’attention du Comité des traductions orientales de Londres sur la version persane de l’ouvrage de
Tabarî, et qui l’ont engagé à reprendre la publication
de la traduction française de ce livre, commencée il y a
plus de trente ans par feu M. Dubeux.
Je me propose de donner, avec le dernier volume de
cette traduction, des renseignements littéraires détaillés
sur l’auteur, son ouvrage, ainsi que sur la version per-
% sane. Qu’il me suffise de signaler aujourd’hui la cir-
constance que ta version persane primitive a subi , à une
époque qu’on ne saurait déterminer quant à présent,
une nouvelle rédaction qu’offrent la plupart des manus-
crits, ainsi que la traduction turque. Je me suis attaché à
reproduire, non cette version remaniée par un auteur qui
ne semble pas avoir eu sous les yeux l’ouvrage original de
Tabarî, mais la version de Befamt, conservée dans un
manuscrit, très-incorrect à la vérité, mais fort ancien.
Les récits fabuleux relatifs aux personnages de l’histoire
biblique de l’Ancien et du Nouveau Testament, contenus
dans ce premier volume, ne se trouvaient pas tous dans
l’original arabe ; le traducteur persan et après lui le nou-
veau rédacteur en ont ajouté plusieurs, en prenant soin
cependant de signaler au lecteur les amplifications qu’ils
ont fait subir au texte primitif. Toutefois on ne saurait
prétendre, comme l’a fait M. Sprenger 1 , que cette partie
de la traduction persane de l’ouvrage de Tabarî soit tirée
en entier de l’Histoire des Prophètes, de Ghazzâlî. Outre
qu’il est très-difficile d’admettre que l’ouvrage décrit par
M. Sprenger ait réellement pour auteur Ghazzâlî, il est
plus naturel de voir dans ce livre un extrait du Tabarî per-
san ou un recueil composé des mêmes éléments que ce
dernier. La manière dont les auteurs orientaux procèdent
dans la rédaction de leurs ouvrages explique facilement la
similitude de deux livres consacrés au même sujet.
La partie traduite par M. Dubeux s’arrêtait au milieu
de l’histoire de la sortie d’Egypte (page 355, ligne 3,
du présent volume). Il paraît que M. Dubeux, pour des
raisons qui nous sont inconnues, n’a pas poussé plus loin
son travail. En faisant réimprimer cette traduction , très-
consciencieusement exécutée, je l’ai revue sur les manus-
crits, et je n’ai eu que peu de changements à y apporter.
La nouvelle publication étant conçue sur un autre plan ,
j’ai retranché toutes les notes, qui augmentaient l’étendue
déjà considérable de l’ouvrage , et j’ai rejeté à la lin du
volume les éclaircissements qui m’ont paru indispen-
sables et les variantes les plus importantes. J’ai corrigé,
sans croire nécessaire- d’en avertir, un grand nombre de
fautes du manuscrit A, celui qui, étant le plus ancien, a
servi de base à la traduction, à l’aide de deux autres ma-
nuscrits (C et G), qui s’en rapprochent le plus, quant an
texte , et, là où ces derniers m’abandonnaient, à l’aide des
autres manuscrits. 11 va sans dire que, quand il s’agit de la
véritable histoire , je ne néglige et ne négligerai pas dans
la suite les différentes leçons. Quant aux versets du Coran ,
cités en si grand nombre dans la première partie de l’ou-
vrage, ils sont souvent expliqués et paraphrasés en per-
san. Je n’ai donné ces paraphrases que dans le cas où elles
contiennent autre chose que ce qui se trouve dans le texte
arabe, pour ne pas reproduire dans la traduction française
deux fois le même sens dans les mêmes termes.
Les manuscrits que j’ai eus à ma disposition sont au
nombre de neuf, dont quatre appartiennent à la Biblio-
thèque impériale, trois à la Société asiatique de Londres,
un autre à la Bibliothèque de Ganterbury, et enfin le neu-
vième à la Bibliothèque ducale de Gotha, qui, sur la pro-
position de son savant bibliothécaire, M. Pertsch, me l’a
libéralement prêté. Le plus ancien de ces manuscrits est
celui que je désigne par la lettre A et qui porte le n° 63
de l’ancien fonds persan de la Bibliothèque impériale. C’est
un manuscrit de grand format, sur papier, de 387 feuil-
lets, incomplet au commencement et à la iin. Il date au
plus tard du xiu p siècle, à en juger par l’écriture et le
papier. Outre les lacunes du commencement et de la fin,
le manuscrit, très -incorrect d’ailleurs, offre au milieu
du texte un grand nombre de petites lacunes et quelques-
unes plus considérables, provenant toutes du copiste lui-
même.
Le manuscrit C(Bibl.imp. fonds Saint-Germain, 55a),
qui contient la même rédaction que le manuscrit A , sauf
quelques additions, est un volume de petit format, en pa-
pier, comprenant 187 feuillets , d’une écriture fort soignée.
Ce manuscrit, très-correct, est daté de Tan 997 de l’hé-
gire. Il s’arrête à l’histoire du passage de la mer Rouge
par les Israélites, qui termine la première section de la
version persane de Bel f amî.
Le manuscrit de la Bibliothèque de Gotha (ms. G) se
compose de deux volumes de grand format, en papier,
comprenant a 68 et 267 feuillets. Je n’ai qu’à confirmer ce
que dit M. Pertsch dans sa description (Die persisclieti Hand-
schrifteti der herzoglichen Bibliothek zu Gotha, p. 66 et suiv.)
concernant le texte de ce manuscrit, savoir, qu’il se rap-
proche de celui du manuscrit C ; cependant il est beaucoup
moins correct.
Le manuscrit D (Supplément pers. de la Bibl. imp.
n° a 2), de moyen format, sur papier, contenant 190 feuil-
lets, est moderne et a été exécuté en Turquie. 11 finit à la
mort de Yezdeguerd III. Quoique le texte de ce manuscrit
soit en général rajeuni et corrigé, il s’éloigne cependant de
la rédaction primitive plutôt par des suppressions que par
des amplifications.
Il n’en est pas de même des autres manuscrits, qui con-
tiennent tous (sauf le ms. F) une nouvelle rédaction corrigée
et plus développée de l’ancien texte primitif. Mais, dans la
partie de l’ouvrage que nous publions aujourd’hui , ces dé
veloppements consistent surtout en détails oiseux qui sur-
chargent les - récits. Un manuscrit appartenant à la Société
asiatique de Londres , de grand format , sur papier, composé
de 355 feuillets, d’une écriture moderne (ms. E.), contient
le texte le plus correct de cette rédaction. L’autre manuscrit
de la Société asiatique (ms. J), également moderne, (Tune
très-belle exécution, mais incomplet à la fin, composé de
A 5 2 feuillets ; un manuscrit de la Bibliothèque impé-
riale, fonds Ducaurroy, n°Q8 (ms. B), composé de deux
volumes de format moyen, sur papier, de A97 feuillets,
daté de l’an 5 1 2 de l’hégire ; enfin le manuscrit de la Bi-
bliothèque de Canterbury (ms. K), de format moyen, de
576 feuillets, offrent un texte à peu près identique à celui
du manuscrit E. Quant au troisième manuscrit de la So-
ciété asiatique de Londres (ms. F), daté de l’an 989 de
l’hégire, il suit ordinairement la nouvelle.rédaction ;mais
il y a des cas où il réunit l’ancien et le nouveau texte, et
il offre parfois des leçons qui ne se trouvent dans aucun
des autres manuscrits.
Il me reste à dire quelques mots de la division de l’ou-
vrage. Gomme les divisions ne s’accordent pas dans les
différents manuscrits, et qu’en tout cas les sections que l’on
y trouve ont été établies d’une façon peu rationnelle, j’ai
cru pouvoir m’en affranchir, et j’ai terminé la première
partie avec les récits qui se rapportent à l’histoire biblique.
11 n’y a que trois de ces récits qui, se trouvant trop éloi-
gnés pour pouvoir être compris dans le premier volume,
devront figurer dans le volume suivant.
H. ZOTENBERG.